J’ai travaillé du 27 novembre au 22 décembre 2023 à la Brasserie Neulich dans le quartier de Neukölln à Berlin. Cette expérience fort intéressante et enrichissante m’a permis de découvrir l’activité d’un Brewpub et d’approfondir ma connaissance des styles de bières allemandes. J’ai beaucoup appris en terme de savoir faire et de rigueur en ce qui concerne les activités liées aux brassage, à la fermentation, à la garde et au service de la bière.
Merci à Karlo STOLL (compagnon brasseur) et à toute l’équipe du Brauhaus Neulich GMBH pour son accueil et ses enseignements.
Praktikum in der produktion Bauhaus Neulich Berlin
Ich arbeitete vom 27. November bis zum 22. Dezember 2023 in der Neulich-Brauerei im Berliner bezirk Neukölln. Diese sehr interessante und bereichernde erfahrung ermöglichte es mir, die arbeit in einem brewpub kennenzulernen und meine kenntnisse über deutsche bierstile zu vertiefen. Ich lernte viel in bezug auf fachwissen und gründlichkeit bei den tätigkeiten, die mit dem brauen, der gärung, der lagerung und dem servieren von bier verbunden sind.
Vielen dank an Karlo STOLL (Geselle für Brauwesen) und das gesamte team des Brauhauses Neulich GMBH für den empfang und die unterweisungen.
Ce rapport de stage est l’outil de base pour la définition du projet de la maison de la Forêt à Mayotte. Il présente les spécificités du milieu mahorais, son histoire, le mélange des cultures et les particularités du milieu insulaire tropical sous les aspects abiotiques, biotiques et humains. Il recense les contraintes liées au contexte politique, réglementaire et législatif, en insistant sur les prérogatives de la Collectivité Départementale de Mayotte et plus particulièrement du Conseil Général en matière d’orientation de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels. Il propose un plan d’interprétation regroupant les éléments permettant d’informer le public de la future maison de la Forêt de la diversité et de la valeur de son environnement. L’objectif de cette démarche est de faire prendre conscience aux visiteurs mahorais et touristes, de leur rôle dans l’équilibres ou les déséquilibres des milieux naturels. La réalisation de sentiers d’interprétation est proposée dans le but de mettre en valeur le patrimoine biologique, historique et culturel mahorais avec l’espoir de provoquer le besoin impérieux de le préserver.
Ce stage de 2 semaines m’a permis de découvrir toutes les facettes du métier de brasseur. De la production à la commercialisation des bières et à l’organisation d’événements pour promouvoir la marque. Gilles Zwingelstein a été un maître de stage complet tant sur le plan technique avec ses conseils méthodologiques et son TACT, que sur le plan économique avec sa vision du marché actuel de la bière artisanale. Je l’en remercie encore avec ses quelques photos de son outils de production simple et performant.
J’ai été accueilli la première quinzaine d’Octobre par Patrick Soquet, maître brasseur de la Brasserie du Jugement Dernier, à L’Anglard dans l’Allier. La brasserie se trouve a côté de l’aile du château où il vit avec sa famille. Le château du XVe siècle dispose d’une chapelle peinte à l’époque médiévale. La fresque, très bien conservée, représente des scènes du jugement dernier, ce qui a donné son nom à la brasserie. Les démons illustrent les étiquettes des bières. La salle de brassage à été installée dans les anciens communs du château.
J’ai souhaité réaliser ce stage dans cette brasserie pour plusieurs raisons. La première est sa taille modeste qui est un argument pour mon premier pas dans le monde du brassage professionnel. Si je devais monter une brasserie je m’orienterai vers quelque chose de cette taille. Des brassins de 1 à 1,2 hectos, un brassage manuel, 5 fermenteurs et une chauffe au feu de bois à 60%. Le deuxième argument et la démarche Biologique labellisée Nature et Progrès. J’ai déjà évoqué la chauffe au feu de bois, mais je pense également à l’utilisation de malts biologiques locaux de la Malterie des Volcans. L’utilisation autant que faire se peut de houblons locaux. Une utilisation raisonnée de l’eau, un système de lavage créé par Patrick Soquet permet de limiter la consommation d’eau à trois litres pour un litre de bière produit.
Ce stage de 15 jours, est conventionné par Pôle Emploi dans le cadre de mon projet de reconversion professionnel. Je cherche à réaliser trois stages à minima pour ensuite faire le diplôme universitaire d’opérateur de brasserie de l’Université de La Rochelle. Au programme de ce stage brassage, enfûtage, maintenance, mise en bouteille, visite de la Malterie des Volcans, brassage d’une bière test pour un festival, calibration de la sonde pH, test de densité, nettoyage du labo, de la salle de brassage, de la salle de fermentation, des fermenteurs, etc. Le stage s’est très bien passé. J’ai continué à apprendre beaucoup de choses grâce à Patrick et à sa pédagogie mais également tout seul grâce au savoir faire acquis au cours de mes années de brassage amateur (voir l’article sur le sujet ici).
J’ai rénové la maison de ma mère. Des copains sont venus m’aider pour l’électricité, l’enduit du salon et la plomberie mais globalement on a tout fait tous seuls ma mère et moi.
Du brassage amateur à la production professionnelle
Tout à commencé à Mayotte en 2011 où, avec mon meilleur ami Luc, nous avons fait une bière à partir d’un concentré de malt. Le fermenter à été à partir d’une bonbonne de fontaine à eau. La fermentation a eu lieux, mais les températures tropicales trop élevées ont produit une bière de piètre qualité.
Qu’à cela ne tienne, l’expérience nous a plu et nous recommencerons. Notre objectif est de boire de bonnes bières, de qualité, à un prix raisonnable. Le tarif de la bière est élevé en outre mer. Une logique environnementale nous anime également. Pourquoi importer 90% d’eau alors qu’elle ne manque pas sous les tropiques.
Après moultes pérégrinations, nous créons à La Réunion en 2018 la Brasserie du Cyclone (le nom à été trouvé lors du premier brassin durant le cyclone FAKIR qui s’abat brutalement sur la Réunion et qui nous retient à la maison). L’aventure prend forme. Nous fabriquons tout notre matériel au fur et à mesure jusqu’à atteindre un volume de 70 litres par brassin. Nous ne vendrons pas notre bière mais la consommerons avec nos amis et en produirons pour différentes occasions (anniversaires, mariages, enterrements, fêtes de fin d’année). Nous produirons des Ale, des IPA, des bières de type Abbaye et tout ce que nous voudrons au fil de nos envies.
La brasserie était installée chez moi et les frigos trafiqués en enceintes thermostatées se sont accumulées dans le salon. Je remercie encore Marine ma coloc pour sa patience et ses conseils avisés de goûteuse privilégiée.
On va produire plus de mille litres de bières en 4 ans. Les amis sont fans et n’arrêtent pas de nous proposer d’acheter de nos breuvages. On travail tous les deux comme ingénieurs et ne sommes pas encore prêt à devenir pros. Pas grave on s’amuse, apprends plein de choses et on revoit des principes de bio, de physique et de chimie qui deviennent concrets. Réaction de Maillard, oxydation, loi des gaz parfaits, réaction enzymatique, etc.
Des amis s’y mettent. On les forme sur leur matériel.
Luc et moi avons sympathisé avec Marcel, un gîteur de Mafate, le cirque de La Réunion où on ne peut se rendre qu’a pieds. Marcel regrette de devoir faire venir de la bière par hélicoptère pour ses clients. Il est curieux de notre passion de brasseur amateur. On en parle. On se fait des promesses et puis… plus rien. C’est Luc qui relance le projet après la crise sanitaire et qui organise le premier brassage à Mafate. On est suivi par Frank Cellier, un journaliste du Quotidien de La Réunion qui trouve le projet intéressant pour ses aspects sportifs, environnementaux et de camaraderie. On est accompagnés par Patrick notre pote brasseur (beau frère de Luc, créateur de la Brasserie du Jugement Dernier, mais pas que…) chez qui Marcel s’est rendu en métropôle pour découvrir une brasserie écolo (bio et Nature & Progrès) après avoir fait une formation à l’institut français des boissons de la brasserie et de la malterie (IFBM). Un article sur le projet est disponible via ce lien. On brasse, on met en bouteille, on re-brasse et on passe le flambeau et une partie de notre matériel.
En 2021, j’ai 40 ans. Ma mère à perdu son compagnon et je décide de mettre entre parenthèse mon travail pour retourner en métropole lui filer un coup de main pour pour des projets divers. Au programme travaux, déménagement, famille, aventures et bien entendu bières ! j’achète une brasserie mobile et un van pour mener la vie de gypsy brewer. Je vais brasser avec mon père, ma grand-mère (pour faire une bière pour ses 90 ans) et plein d’autres. Je brasse chez moi et partout ou je serais invité. Je vais aussi rencontrer un communauté de brasseurs qui m’accueillera comme : « le brasseur des tropiques ».
Tout ça c’est quand même fatiguant. Du coup entre le mois d’aout et les vendanges je suis parti en Europe de l’Est pour voir comment ça se passait.
L’été 2022 arrive enfin. Je rejoins les amis de La Réunion de passage en Métropole à la Brasserie du Jugement Dernier. On va donner un coup de main à Patrick qui a beaucoup de travail avec les festivals qui battent le plein et qui lui commandent des grandes quantités de bières. Au programme brassage avec Luc sous la supervision de Patrick, enfûtage et petits travaux de maintenance.
Je me rends ensuite chez mon père pour brasser une bière pour le mariage de ma cousine sur sa brasserie Polsinelli 100 litres. On brasse une base de Ale qui sera enfutée en soda keg en partie, vieillie en fut d’eau de vie de prune, mise en bouteille et fermentée en fut isobarométrique avec houblonnage à cru pour le Mariage.
Après les vendanges en Alsace en Septembre, je retourne à la Brasserie du Jugement Dernier les 15 premiers jours d’octobre pour un stage conventionné par Pôle Emploi dans le cadre de mon projet de reconversion professionnel. Je cherche à réaliser trois stages à minima pour ensuite faire le diplôme universitaire d’opérateur de brasserie de l’Université de La Rochelle. Au programme de ce stage brassage, enfûtage, maintenance, mise en bouteille, visite de la Malterie des Volcans, brassage d’une bière test pour un festival, Calibration de la sonde pH, test de densité, nettoyage du labo, de la salle de brassage, de la salle de fermentation, des fermenteurs, etc. Le stage s’est très bien passé. J’ai continué à apprendre beaucoup de choses grâce à Patrick et à sa pédagogie mais également tout seul grâce à mon autonomie.
La brasserie du Jugement Dernier se trouvant pas très loin de chez mon père j’en ai profité pour lui rendre visite et pour brasser un mout pour l’élaboration de son Whisky.
Un article de presse (Le Quotidien de La Réunion du 7 septembre 2020 rédigé par Franck CELLIER) sur Marcel, Patrick (Brasserie du Jugement Dernier), Luc et moi. On a non seulement brassé la première bière de Mafate (un cirque de l’île de La Réunion), mais on a aussi passé le flambeau (et pas mal de notre matériel) à Marcel pour qu’il produise sa bière localement et n’ai plus besoin de s’approvisionner par hélicoptère.
Au Moyen Âge, la civilisation arabo-musulmane a éclairé le monde en matière de navigation, de commerce, de culture et d’artisanat. Les dernières campagnes de fouilles archéologiques menées à Mayotte entre 2012 et 2014 ont complètement changé la vision qu’on avait de l’île à cette période avec la découverte de preuves supplémentaires de l’appartenance de ses habitants à cette civilisation.
Le site de Dembéni, un comptoir de commerce riche et prospère
Les pionniers de l’archéologie comme Claude Alibert et Henri Daniel Liszkowski avaient déjà mis en évidence la prospérité de Mayotte à l’époque médiévale. Ce sont des vaisselles en céramique et en pierre, originaires de Madagascar, d’Afrique, du Moyen-Orient et même d’Asie, retrouvées notamment sur le site de Dembéni, qui les ont orientés sur cette piste. Ils pensaient alors que la richesse de ce comptoir du IXe au XIIe siècle, reposait sur le travail du fer.
En août 2013 et 2014, deux nouvelles campagnes de fouilles ont lieu à Dembéni. Les éléments découverts remettent en question la théorie précédente et laissent penser à une production métallurgique modeste répondant essentiellement aux besoins locaux d’outils et d’hameçons. « Les restes de poissons de grande taille retrouvés sur le site témoignent de techniques de pêche déjà très abouties », explique Halima Ali-Toybou, une étudiante en archéologie spécialisée en archéozoologie. « Quand j’ai appris que des fouilles avaient lieu sur mon île, j’ai tenu à rejoindre l’équipe. Ce fut une expérience très enrichissante pour moi et qui a permis de contribuer à la connaissance de l’histoire de Mayotte ».
L’équipe de fouilles constituée de 12 personnes est dirigée par l’archéologue Stéphane Pradines, un spécialiste de la civilisation musulmane et plus particulièrement de la culture swahilie qui rayonnait sur la côte est de l’Afrique au Moyen Âge. Ils sont soutenus et aidés par la Direction des affaires culturelles (DAC) de la Préfecture de Mayotte, du Conseil général et par l’association des Naturalistes. Cette opération va mettre à jour de très nombreux fragments de cristal de roche originaire de Madagascar. Des éclats avaient déjà été découverts sur le site auparavant sans qu’une véritable interprétation n’ait pu en être faite jusque là.
Stéphane Pradines a également eu l’occasion de travailler sur la période fatimide qui s’étend du Xe au XIIe siècle. C’est à cette époque que sont produits de nombreux objets en cristal de roche par des artisans persans et égyptiens. C’est le cas de certaines aiguières (fines carafes) conservées aujourd’hui dans les musées les plus prestigieux du globe. A partir de la nature et du nombre important de fragments de cristal de roche exhumés sur le site, l’archéologue émet une hypothèse. C’est à Dembéni qu’une partie des blocs bruts provenant de Madagascar étaient préformés et débarrassés de leurs impuretés. Ils étaient exportés puis vendus à des commerçants arabes, juifs ou perses avant d’être ciselés par les plus fins tailleurs de cristal de l’époque. Ils ont donné naissance à des pièces remarquables. Très prisées, certaines furent même christianisées, en témoignent celles conservées au sein du trésor sacré de la basilique Saint-Marc de Venise. Ainsi, des objets d’art parmi les plus beaux et les plus précieux de l’époque médiévale trouvent peut-être une origine à Mayotte.
« Le plus important ce n’est pas forcément l’objet découvert mais l’interprétation qui en est faite. Des éléments qui pouvaient sembler anodins sont revisités et livrent alors toute leur importance. Ce qui est extraordinaire c’est que cette hypothèse a permis de relier concrètement Mayotte au commerce florissant de l’Océan Indien de la période médiévale et au patrimoine archéologique d’une vaste partie de l’ancien monde », s’enthousiasme Édouard Jacquot, le conservateur du patrimoine de la DAC qui coordonne les opérations archéologiques à Mayotte.
Antsiraka Boira, la nécropole d’Acoua
Afin de comprendre l’origine des habitants de Mayotte de l’époque, il a fallu faire appel à l’anthropologie funéraire. « Cette science étudie les squelettes humains, la position dans laquelle ils sont enterrés, les objets présents et l’aménagement de la sépulture », explique Marine Ferrandis, archéologue à la DAC.
D’après la vaisselle d’importation et les perles découvertes sur le site d’Antsiraka Boira, cette zone funéraire peut être datée entre les années 1100 et 1250. Elle se situe à l’extérieur du village d’Acoua occupé à la même époque. Les rituels mis au jour trouvent quatre parallèles principaux. Un premier avec les populations non musulmanes d’Afrique australe où des sépultures contenant des perles indo-pacifiques ont également été découvertes.
Un deuxième parallèle est fait avec les populations malgaches à travers la présence de vases et de récipients aux pieds des défunts. Ces rites sont décrits à la nécropole de Vohémar dans le nord-est et sur la côte orientale de Madagascar. La troisième origine relie les défunts au monde austronésien par l’usage possible d’un cercueil en bois en forme de pirogue. « La position des corps tournés vers la Mecque rappelle quant à elle de rites musulmans. Ces quatre éléments sont le reflet du syncrétisme culturel de la population mahoraise de l’époque », argumente Marine Ferrandis. « Ce qui est atypique à Antsiraka Boira, c’est la présence de mobilier funéraire (colliers et pagnes brodés de perles, coquillages, céramiques remplies de gravillon corallien) proscrits dans le rite musulman.L’hypothèse que nous envisageons est que la nécropole d’Antsiraka Boira est un site témoin de la rencontre des cultures austronésienne (ou proto-malgache) et bantoue, puis de la conversion à l’Islam de ces groupes ethniques à travers les contacts commerciaux entretenus avec les marins swahilis », complète Martial Pauly, doctorant à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, responsable des campagnes de fouilles d’Acoua en partenariat avec la DAC de la Préfecture et du Conseil départemental et avec le support de la SHAM (Société d’Histoire et d’Archéologie de Mayotte).
Jusqu’au début du XIIIe siècle, le mode de vie de cette population est tourné vers la mer. Les offrandes retrouvées dans les tombes comme les poids de filets de pêche et les grands coquillages tels que le lambis ou le bénitier étayent cette hypothèse. Les fouilles des dépotoirs datant de cette époque ont également confirmé cette exploitation des ressources marines et également une activité agro-pastorale. La population cultivait peut-être le riz, le taro, la banane et élevait quelques chèvres et moutons.
Les ossements de zébus n’apparaissent dans les couches archéologiques qu’au XIIe siècle et ne deviennent importants qu’à partir du XIIIe. C’est le signe de la généralisation de son élevage grâce à l’introduction de cet animal par les marins islamisés qui les acheminaient depuis l’Inde.
Agnala M’kiri, le village médiévale d’Acoua
Au début des années 1200 un changement radical de la structuration et de la culture intervient avec la généralisation de l’élevage du zébu et des constructions maçonnées d’influence swahilie. Ainsi à l’emplacement de l’actuel village d’Acoua, au lieu-dit Agnala M’kiri, est édifiée une petite mosquée et un enclos villageois maçonné. Outre un éventuel rôle défensif, ce dernier sert surtout d’enclos à bestiaux. Mise en évidence par les fouilles, une porte permet de contrôler l’entrée et la sortie du cheptel. Le sol est recouvert de grandes dalles qui résistent au passage du troupeau. Désormais une élite islamisée de culture swahilie s’affirme et la société se hiérarchise davantage. Cela se confirme à du XIVe siècle avec l’apparition d’un quartier aristocratique. Son évolution aboutit au XVe siècle à l’apparition de grandes demeures en pierre organisées autour d’une cour centrale. Ces demeures possédaient une salle d’honneur avec des bancs maçonnés (baraza), une enfilade de pièces et un réduit équipé d’une fosse de latrines.
« Une donnée importante a été révélée par la fouille du quartier des notables d’Agnala M’kiri: la salle d’honneur au baraza qui y a été découverte, évoque un lieu d’exercice du pouvoir, tout comme les places publiques aux Comores. Ici, elle relève d’un espace privé. On peut donc en conclure qu’au XVe siècle, un clan s’est accaparé le pouvoir à l’échelle villageoise. Il s’agit probablement de la mise en place d’un pouvoir local de type chefferie », développe Martial Pauly.
Hormis les perles, les importations à Acoua sont moins nombreuses que sur les sites de la période de Dembéni. Certains y ont vu les signes d’un déclin, alors que cette période se traduit par un essor démographique et la fondation de nombreux villages. « Nous pensons que le rôle tenu par Mayotte dans les échanges régionaux a changé au XIIe siècle. Avec le développement de comptoirs musulmans à Madagascar, Mayotte fut réduite au seul rôle d’approvisionnement des navires. Les perles étaient alors une monnaie d’échange très prisée », illustre l’archéologue de la SHAM. Par la suite, il est fort probable que les notables d’Acoua, participent eux même aux échanges entre Madagascar et l’Afrique swahilie. On imagine de la vaisselle chinoise et des tissus indiens troqués contre du riz et des rabanes de Madagascar, voire des esclaves originaires des hauts plateaux.
Après un déclin amorcé au XVe siècle, le site d’Agnala M’kiri est définitivement abandonné au XVIIe. La tradition orale attribue cela à une guerre entre le chef d’Acoua et celui de Mtsamboro. Ces rivalités, alors très courantes dans l’archipel, ont permis d’établir la domination de Mtsamboro puis d’un sultanat à Mayotte.
Des recherches à poursuivre, à approfondir et à valoriser
Pour continuer ces investigations, il faut maintenir le cadre qui permet aux chercheurs de faire leur travail dans des conditions satisfaisantes mais aussi exigeantes. « C’est en cela que la DAC de Mayotte intervient. Elle mobilise les budgets nécessaires à l’avancée des programmes de recherches, elle fournit du matériel, réunit les équipes, assure l’encadrement administratif et le contrôle scientifique et technique des opérations, explique Edouard Jacquot. Notre action s’est également orientée vers la valorisation de ces découvertes auprès du grand public grâce à des expositions, des publications et des mallettes pédagogiques. Un effort particulier est réalisé auprès des enfants qui sont un relais privilégié de ces travaux et qui seront les archéologues et les décideurs de demain ».
Le site d’Antsiraka Boira n’a certainement pas livré tous ses secrets. « Il serait intéressant d’élargir le périmètre de fouilles sur ce site ce qui pourrait permettre d’améliorer notre connaissance de la société mahoraise du XIe-XIIe siècle. Antsiraka Boira n’est certainement pas le seul témoin de cette période mais offre, grâce à l’excellente conservation des vestiges, un fort potentiel archéologique dans un cadre encore relativement préservé de l’urbanisation », conclut Martial Pauly.